Quels métiers recruteront le plus à l'horizon 2030 ? Lesquels souffriront le plus du manque de main-d'oeuvre ? Un rapport très détaillé de France Stratégie et de la Dares publié le 10 mars 2022 dresse la liste des métiers présentant les besoins humains les plus élevés, assortie d'une projection des difficultés d'embauche à l'horizon 2030.
Quels sont les secteurs et métiers les plus dynamiques ? Quel est le niveau des départs en fin de carrière ? Combien de jeunes arrivent sur le marché du travail ? Quels sont les principaux postes à pourvoir ? Les métiers en déséquilibre... tour d'horizon des perspectives des métiers d'ici à 2030.
Serveur, comptable, infirmier… Affiché sur le site de Pôle Emploi, le palmarès des métiers qui recrutent le plus a connu quelques bouleversements depuis le début de la crise du Covid-19. Dans les années à venir, ce classement risque de connaître d’autres remaniements, à en croire ce rapport du service des statistiques du ministère du travail (Dares - Direction de l'Animation de la recherche, des Études et des Statistiques) et de France Stratégie publié le 10 mars.
Le rapport dresse un panorama chiffré des perspectives des métiers à l’horizon 2030 qui intègre à la fois les grandes tendances observées par le passé et les évolutions attendues sur les plans démographiques, économiques, technologiques et environnementaux. Le rapport, coréalisé par France Stratégie et la Dares, vise à anticiper les évolutions et besoins par secteur et les déséquilibres potentiels entre offre et demande d’emploi, afin de guider les politiques publiques. Au regard des bouleversements économiques et sociaux induits par la crise sanitaire, le rapport éclaire leur impact à moyen terme sur la dynamique d’emploi des secteurs d’activité et des métiers. Il tient également compte des enjeux liés à la lutte contre le réchauffement climatique.
800 000 embauches par an sur la période 2019-2030
Jetant un éclairage inédit sur les évolutions des besoins en recrutement à l’horizon 2030, le rapport met en parallèle les métiers qui devraient compter les plus fortes créations d’emploi avec l’évolution du nombre d’entrants et de sortants. Estimés à 800 000 embauches par an sur la période 2019-2030 dans le scénario de référence de la Dares, les besoins de recrutement devraient rester stables par rapport à la période 2015-2022. Mais « on est dans un contexte où la population active ralentit fortement » du fait des départs en retraite, souligne Michel Houdebine, directeur de la Dares.
Fin de l'hémorragie dans l'industrie
Le rapport confirme que l'emploi, pour beaucoup de cadres, va davantage se tourner vers les services aux entreprises, la santé et les services à la personne. La logistique va aussi connaître une inflexion plus favorable, mais pas forcément au bénéfice des conducteurs de véhicules, l'essor du télétravail ralentissant la mobilité. La construction va profiter de la rénovation énergétique. L'hémorragie dans l'industrie est également censée s'arrêter : la part de l'emploi industriel dans le total stagnerait à 10 %. Les services généraux de l'administration, a contrario, continueraient de se replier.
Les créations d'emplois
Dans le scénario de référence, 1 million d’emplois seraient créés entre 2019 et 2030, dont deux tiers dans les services marchands. Avec la poursuite de la tertiarisation de l’économie, la croissance de l’emploi dans les services serait équivalente à celle de l’emploi d’ici 2030. Le poids des services traduit la spécialisation hexagonale, d’une part dans les services aux entreprises, d’autre part dans les services d’utilité collective portés par la socialisation des dépenses d’éducation, de santé et d’action sociale. Les services généraux de l’administration continueraient de se replier. Il en va de même de l’emploi agricole qui poursuivrait sa décrue au même rythme que par le passé. En revanche, les métiers industriels se redresseraient, inversant la tendance baissière des années passées
Entre 2019 et 2030, seraient créés :
- 410 000 postes de médecins, infirmiers, professions paramédicales, aides à domicile et aides-soignants
- 180 000 postes dans les métiers de l’informatique et de la recherche
- 135 000 postes d’ouvriers de la manutention
- 120 000 postes dans les métiers du bâtiment (dont la moitié de cadres)
- 45 000 postes dans les métiers industriels
Quels métiers recruteraient le plus ?
À ces créations nettes d’emplois s’ajoutent les départs en fin de carrière des dernières générations de baby-boomers, la somme des deux donnant les postes à pourvoir ou besoins de recrutement par métiers, soit au total près de 800 000 postes à pourvoir chaque année d’ici 2030 (près de 90 % provenant du remplacement des départs des seniors).
La santé, l'informatique, la construction feront partie des secteurs les plus dynamiques en termes de créations de postes.
Parmi les quinze métiers comptant le plus de postes à pourvoir, trois catégories se distinguent :
- La première catégorie comprend les métiers pour lesquels les postes à pourvoir correspondent essentiellement à des départs en fin de carrière : c’est le cas pour les agents d’entretien, les enseignants, les conducteurs de véhicules et des vendeurs ;
- La deuxième catégorie regroupe les métiers où les créations d’emploi contribueraient pour au moins un quart des postes à pourvoir : les cadres administratifs, comptables et financiers, les cadres commerciaux et technico-commerciaux, les aides-soignants et aides à domicile, les infirmiers, sages-femmes, les ouvriers qualifiés de la manutention, les médecins et les techniciens de la maintenance ;
- La troisième catégorie regroupe les ingénieurs de l’informatique et les ingénieurs et cadres techniques de l’industrie : ces métiers, relativement jeunes, conjugueraient un fort dynamisme de l’emploi et de faibles départs en fin de carrière, les postes nouvellement créés représentant au moins la moitié des postes à pourvoir.
Déséquilibres potentiels et difficultés de recrutement
Pour chaque métier, on confronte les besoins de recrutement des employeurs en 2030 avec le vivier potentiel de jeunes qui y débuteraient afin de mettre en évidence des déséquilibres. Les déséquilibres anticipés en 2030 sont « partiels » et « potentiels ». « Partiels » parce qu’ils pourront être comblés (ou aggravés) par le retour en emploi de chômeurs ou les mobilités professionnelles entre métiers par exemple. « Potentiels » parce qu’il s’agit de projections dont l’objectif est précisément d’alerter sur la nécessité de prévenir ces déséquilibres.
Pour deux métiers sur cinq, parmi lesquels ceux d'aide-soignant, d'ingénieur informaticien et d'ouvrier qualifié dans la métallurgie, les difficultés de recrutement actuelles sont appelées à perdurer. Pour d'autres, telles les aides à domicile, elles vont même augmenter en raison d'une faible attractivité. Elles s'atténueront, au contraire, pour les coiffeurs, esthéticiens et comptables.
Reste les professions qui ne rencontrent pas de difficultés actuellement, comme celle d'ouvrier qualifié de la manutention, mais qui pourraient y être bientôt confrontées en raison d'un nombre important de départs à la retraite sans assez de jeunes pour prendre la relève.
L’insertion des jeunes dans l’emploi
D'ici à 2030, 640 000 jeunes s'inséreraient dans l'emploi chaque année. Une élévation progressive du niveau de diplôme est attendue notamment du fait de la lutte contre le décrochage scolaire. La part de diplômés du supérieur passerait à 48% en 2030 (contre 46% en 2019). Leur taux de chômage serait de 4,5% (contre 9,2% pour ceux n'ayant pas dépassé le baccalauréat, dont les emplois diminueraient d'environ 800 000).
Sur 7 millions de jeunes débutants en emploi entre 2019 et 2030, 347 000 occuperaient le métier de vendeurs, dont 260 000 n'auraient pas dépassé le baccalauréat.
L’impact de la transformation numérique sur les emplois
Au-delà de l’impact de la crise sanitaire, « des tendances structurelles » de l’évolution des besoins en main-d’œuvre se confirment, note Michel Houdebine. L’automatisation des métiers continue de faire disparaître des postes. Supplantés par des logiciels mettant en œuvre l’intelligence artificielle, les effectifs de techniciens de la banque et des assurances devraient se réduire d’ici 2030. De plus en plus robotisée, la logistique verrait aussi ses effectifs diminuer, « a contrario de ce que l’on observait jusqu’à présent », note le rapport.
Finalement, les métiers qui connaîtront les plus forts besoins en recrutement demeureront peu ou prou les mêmes qu’aujourd’hui : en tête, les agents d’entretien (plus de 300 000 postes à pourvoir non compensés par les nouveaux arrivants d’ici 2030), les aides à domicile (entre 210 000 et 220 000) et les conducteurs de véhicules (autour de 200 000), du fait probablement de l’explosion de la livraison. Si les besoins en main-d’œuvre évoluent, les métiers en tension demeurent des métiers précaires, difficiles et mal payés.
Télécharger le rapport complet
- Les métiers en 2030 - Le rapport (PDF, 5.8 Mo)
- Les métiers en 2030 - La synthèse (PDF, 1.9 Mo)
- Les métiers en 2030 - Les données (XLSX, 871.38 Ko)
Publié le 18 mars 2022
Sources : France Stratégie, Dares, Le Monde, Les Echos
Partagez et diffusez ce dossier
Laissez un commentaire
Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.