
‘entreprise évolue dans un environnement en constante évolution : celle-ci peut être brutale ou graduelle, volontaire ou imposée, mais dans tous les cas, la capacité d’anticipation et d’adaptation de l’entreprise, de son organisation et de ses collaborateurs, est un des facteurs clé de succès, ou tout simplement de survie …
Or, les structures des entreprises, surtout les plus grandes, ne sont pas spontanément préparées à une dynamique de changement, le phénomène bureaucratique et la résistance psychologique naturelle des collaborateurs sclérosant les réactions nécessaires d’adaptation et sanctuarisant la continuité et le fonctionnement actuel. Or, les facteurs déclencheurs de changement créent souvent une véritable rupture, car il y a remise en cause de la manière d’agir des acteurs concernés, redéploiement d’effectifs,…
L’immobilisme et la rigidité sont des handicaps qui peuvent alors être difficiles à surmonter. Or, beaucoup de décisions managériales privilégient une démarche de réalisation de changement explicité sous forme d’exigence. Même en veillant au préalable à son acceptation, ceci explique bon nombre d’échecs de changements organisationnels, car cela néglige la compréhension et l’appropriation par les acteurs qui auront à les mettre en œuvre.
D’où l’intérêt d’accompagner le changement par une démarche globale au niveau de l’entreprise, de ses managers et du personnel : c’est ainsi que l’entreprise pourra conjurer les menaces et profiter des opportunités que recèlent toujours une situation évolutive ou une période de transition, en facilitant l’acceptation des changements et en réduisant les facteurs de rejet.
Les types de missions de conduite du changement
Le processus de conduite du changement débute lorsque l’entreprise adapte ses structures aux évolutions internes ou externes, imposées ou volontaires, de son environnement :
- Les changements peuvent être une réaction à des facteurs internes : modification de l’actionnariat, fusion /acquisition, changement d’organisation, de systèmes de gestion, d’outils et méthodes de production, création d’une nouvelle activité, lancement d’un nouveau produit, utilisation de nouveaux canaux de vente…
- ou à des facteurs externes : crise économique ou monétaire, évolutions de la législation et de la réglementation, changement de normes, innovations technologiques, actions de la concurrence, évolutions des comportements de la clientèle et des styles de vie, ouverture des marchés ….
- Le changement peut être déterminé par une transformation de l’environnement (changement imposé) ou un changement résultant du choix des dirigeants (changement volontaire). Le changement imposé peut être brutal dans le cas de crises (défauts techniques, process dangereux …) ou graduel, ménageant des phases de transition (réponse à des contraintes réglementaires, nouveaux systèmes de gestion ou de production, dérégulation des marchés, …).
Les causes de résistance au changement
Pour les salariés, un changement parait le plus souvent imposé par la direction et il convient alors de gérer les résistances naturelles qui s’opèrent. Les résistances au changement sont de quatre ordres, collectives (systèmes de valeurs propres à un groupe, ses habitudes et ses rites), individuelles (remise en cause, anxiété, sentiment de perte des repères ou de pouvoir) ou structurelles (conditions de travail, climat social, mode d’organisation), enfin les causes intrinsèques, liées changement proprement dit (qualité, pertinence et sévérité du projet).
Les causes collectives
Les routines, les relations hiérarchiques s’érigent en systèmes de valeurs que menace une réorganisation : ce que les membres d’un groupe trouvaient souhaitable ou au moins convenable par habitude, la perception des avantages qu’ils avaient et des contraintes qu’ils acceptaient, favorise le développement de comportements corporatistes et catégoriels entrainant une forte inertie. Ceci est particulièrement sensible dans les grandes structures et les administrations publiques.
Les causes individuelles
Tous les individus, à des degrés variables, ont du mal à se remettre en cause et à se projeter dans un futur incertain, d’où le développement de comportement de résistances, des réactions de doute et d’angoisse devant tout changement.
Le changement est générateur d’anxiété pour les individus dans la mesure où il est synonyme de rupture, de remise en cause ; il contribue à la perte des points de repère antérieurs (spatiaux, temporels, comportementaux, relationnels) ; il favorise les interrogations sur soi, son devenir, sa qualification…
Dans tous les projets, on retrouve ainsi la peur de perdre son savoir-faire, son pouvoir, ses relations de travail habituelles, son lieu de travail quotidien etc. Un des premiers réflexes est donc de repousser le changement. On se trouve le plus souvent confronté à des salariés zélés, cadres ou employés, mais qui ne supportent ni imprévu ni incertitude et qui préfèrent s’accrocher à des postes inadaptés plutôt que de se retrouver dans un autre lieu de travail, un autre secteur de l’entreprise, une autre activité. Leurs réactions de résistance à l’égard du changement s’expliquent par le fait qu’ils doivent quitter leurs zones de confort apparentes et s’aventurer vers de nouveaux contextes de travail, de nouvelles tâches et responsabilités, mobiliser de nouvelles compétences, apprendre de nouveaux comportements, adopter de nouvelles attitudes et, surtout, abandonner leurs habitudes.
Un des enjeux de la conduite du changement est de faire prendre conscience aux acteurs que la perte d’un existant et les risques liés, sont justifiés par des progrès à venir ou par des risques encore bien plus grands.
Les causes structurelles
Les exemples sont nombreux :
- Si les conditions de travail privilégiaient jusqu’à présent la spécialisation des taches et qu’on évolue vers de la polyvalence, que la nouvelle démarche de qualité suppose des contrôles par l’opérateur lui-même alors qu’il en était déchargé jusqu’alors,… les obstacles au changement s’accroissent, même si la formation prévue est sensée pallier les difficultés d’adaptation, car cela indique bien qu’on manque de compétence.
- Les entreprises qui ont un fonctionnement du type bureaucratique suscitent la routine et sont pratiquement toujours en difficulté quand elles sont confrontées à l’exigence de transformations, et c’est particulièrement le cas des administrations publiques.
- Un climat social de l’entreprise dégradé est généralement propice aux oppositions à quelque changement que ce soit : les salariés risquent de tomber dans des écueils de comportements tels que la rébellion sous forme de grève ou autre manifestation de colère, même si le changement en cause n’a rien avoir avec les motifs du mécontentement social.
Les causes intrinsèques
Certains changements, par leur nature même, provoquent des oppositions délicates à surmonter :
- Des changements accélérés et répétitifs de l’organisation, souvent initiés par de nouveaux dirigeants voulant affirmer leur pouvoir, provoque un excès qui mène inévitablement à une saturation dans la capacité des individus à s’approprier les nouveaux schémas proposés. La multiplicité des projets de changement, lancés au sein des organisations, mène à un taux d’échec élevé dans la mise en œuvre effective de ces projets : la détérioration du climat organisationnel affecte l’implication effective des acteurs, qui ne comprennent plus pourquoi ce qui était présenté comme un nouveau modèle performant il y a peu et auquel ils avaient adhéré, devient soudainement mauvais au point d’être remplacé par un autre, qu’on présente ainsi vainement comme idéal.
- Les changements organisationnels liés aux luttes de pouvoir entre dirigeants (destruction des « fiefs », des « baronnies » …) sont difficiles à gérer : d’abord les résistances au changement se trouvent démultipliées chez ceux qui, objectivement, n’ont aucun intérêt à promouvoir le changement et ils se comportent comme leaders d’opinion de son rejet, mais ensuite et surtout, de très nombreux employés sont démotivés car ils ne se sentent pas du tout concernés par les enjeux personnels des managers.
- Enfin, certains changements ont des conséquences sociales douloureuses (restructurations industrielles, réorganisations entrainant des redéploiements d’effectifs…) qui expliquent les très fortes résistances.
Différentes formes de résistances au changement peuvent être observées : la résistance larvée par inertie, la procrastination remettant toujours à plus tard la mise en œuvre, la révolte enfin cherchant à lutter contre, voire à saboter, le projet de changement.
Les méthodes de conduite du changement
L’objectif est de permettre la compréhension et l’acceptation par les individus des nouvelles règles du jeu résultant du processus de changement. La conduite du changement consiste à anticiper les risques, définir et mettre en œuvre une démarche permettant la mise en place du projet sans perturbations majeures ni, a fortiori, de rejet pur et simple.
Selon certaines études, seulement le tiers des projets de changement significatif peuvent être considérés comme des francs succès. Les raisons d’échec sont nombreuses, qui vont du projet abandonné, aux nouveaux systèmes ou applications mal ou sous utilisés, à la non-adhésion des utilisateurs entrainant retards et surcoûts de mise en œuvre, etc…. : la qualité du processus de mise en œuvre du changement est aussi importante que la qualité intrinsèque du changement proposé, et le facteur humain représente une des principales causes d’échec des projets de changement.
Différentes démarches et pratiques de conduite de changement peuvent être utilisées, proches du type « gestion de projet », qui vont du diagnostic de la capacité au changement, à la communication jusqu’à la formation/coaching, valorisant plus ou moins le travail en groupe, selon la nature du changement et des résistances analysées au préalable.
La constitution d’une équipe de conduite du changement
Au démarrage du projet, le responsable va mettre en place une équipe de conduite du changement, qui s’appuiera sur des relais et différente de l’équipe fonctionnelle en charge de la gestion du projet lui-même. En effet, donner la responsabilité à l’équipe projet de mener conjointement la conduite du changement peut amener à privilégier les actions fonctionnelles et techniques par rapport aux actions de conduite du changement proprement dite.
Il s’agit de constituer une équipe pluridisciplinaire et motivée disposant d’aptitudes et de compétences à gérer le processus de changement sur toute sa durée : capacité de travail en groupe, degré de maîtrise de la culture de management de projet, capacité d’animation et surtout de négociation …
La constitution de l’équipe de conduite du changement peut se faire uniquement avec des ressources internes mais le recours à des prestataires externes est souvent nécessaire car les ressources externes peuvent être un gage d’objectivité et de neutralité, et elles disposent de compétences, de méthodes, techniques de communication expérimentées que n’ont pas les ressources internes.
Un réseau interne de « correspondants du changement » est indispensable pour la réalisation en profondeur des actions de changement. Il représente la proximité qui est un facteur clé de réussite du changement. Il possède une bonne connaissance de l’existant, il permet d’avoir une bonne perception des différents freins, il peut identifier les bons interlocuteurs. Pour constituer ce réseau, il faut privilégier des acteurs reconnus professionnellement au sein des équipes.
L’analyse préliminaire de conduite du changement
Les méthodologies de conduite du changement, nécessitent d’abord une compréhension de l’environnement et du contexte, imposent de s’interroger sur les différentes résistances qui peuvent être rencontrées et les leviers à utiliser pour les éviter. A cette fin, réaliser une enquête sert à évaluer et appréhender le niveau d’adaptabilité au changement de l’entreprise. L’identification des acteurs concernés par le changement est très importante, afin, par exemple, de mieux identifier les résistances, d’avoir ensuite une communication adaptée. Un questionnaire sera utilisé portant sur le sentiment de la nécessité d’opérer ce changement et permet de mesurer le ressenti de l’utilité du projet de changement et de ses apports ou contraintes pour chaque personne interrogée.
Les différentes catégories d’utilisateurs peuvent être réparties selon leur degré d’importance pour la réussite du changement (très, assez, peu influent) et du niveau du risque qu’ils représentent (pour, indifférent, contre) en fonction des résistances qu’ils éprouvent vis-à-vis de ce changement.
On peut aussi établir une statistique des différentes attitudes : refus, non compréhension, attentes d’explication, sans opinion, acceptation, collaboration proactive.
Une fois comprise la logique de fonctionnement des résistances et leur degré et fréquence, on peut mieux élaborer un plan mettre visant non pas à les combattre – car plus on pousse au changement et plus l’on suscite des oppositions – mais à faire en sorte de les diminuer, car pour faire accepter le changement, il est plus pertinent de diminuer les forces opposées que d’augmenter les forces motrices.
Les démarches de conduite du changement comportent généralement les aspects suivants :
- Participation : associer les utilisateurs dès le début du projet, afin notamment de prendre en compte leur avis et faire en sorte de le faire évoluer dans un sens favorable si nécessaire ;
- Communication : mettre en place un dispositif de communication permettant tout au long du projet de permettre aux acteurs de l’entreprise de comprendre et d’accepter les changements à venir, ainsi que d’être informé sur l’avancement du projet ;
- Formation : s’assurer que les utilisateurs aient acquis les connaissances théoriques et pratiques nécessaires ;
- Accompagnement : l’accompagnement individuel (coaching) des managers permet de créer une relation qui les rassure pendant le changement et par la suite.
La participation
Dans la plupart des cas, le travail de conduite du changement ne peut se limiter à faire de la formation ou de la communication. Evidemment, obtenir l’adhésion ne s’obtient pas sans informer les salariés et leur expliquer le bien-fondé des changements. Mais, l’implication et la participation des personnes dans la démarche est un facteur clé de réussite. La gestion des résistances au changement demande de créer des espaces de dialogue au cours du processus de changement pour favoriser la compréhension, l’implication, l’appropriation et construire une réelle capacité à changer de l’organisation.
L’accompagnement collectif, organisé avec les opérationnels, vise à les amener à définir l’impact du changement et les actions à mener, le résultat des réflexions doit être formalisé pour leur donner de l’importance.
Convaincre de la nécessité de changer et de s’engager dans un processus de changement nécessite l’organisation de séminaires de mobilisation et/ou création d’ateliers de réflexion mettant en avant la situation problématique actuelle, les opportunités d’amélioration et surtout les avantages attendus pour les équipes. Ces démarches participatives privilégient le brainstorming, le travail en groupe et l’action collective et misent sur l’influence mutuelle entre les personnes. Une fois qu’un premier groupe de personnes adhère au projet, cela permet de faire adhérer l’ensemble des collaborateurs concernés.
Toutefois, quand l’analyse préliminaire a révélé que les opposants au changement sont nombreux, et/ou que le changement a des conséquences sociales douloureuses, utiliser une démarche participative n’est pas recommandé, car cela peut donner une tribune à ceux qui sont les plus virulents, cela peut aussi charger le projet de changement de problèmes qui ne sont pas les siens : dans ce cas, une équipe restreinte, avec des spécialistes et des avis d’experts extérieurs, prend en charge le problème de manière directive et centralisée et propose une solution tenable, juridiquement et économiquement, le plus rapidement possible.
La communication
La communication doit devancer l’expression des résistances, son rythme et sa progressivité doivent être maîtrisés. Les modes de communication retenus doivent être en accord avec la ou les cibles identifiées lors du diagnostic préliminaire. Divers supports peuvent ainsi être utilisés, volontairement redondants, afin de toucher la totalité de la cible. Le porteur du message ne doit pas toujours être le management, des interviews d’opérationnels doivent être diffusées.
Au début de la campagne, les messages doivent être simples afin qu’ils soient compris par tous et on doit présenter les objectifs, les raisons, les enjeux du changement et les grandes étapes de sa réalisation.
Au cœur du projet, la communication doit aborder le détail pour sécuriser les collaborateurs sur ce qui les attend, car à ce stade du changement, ils sont plus réceptifs, leur compréhension du projet s’est améliorée ; ils doivent alors obtenir des réponses précises, mais seulement déclinées par secteurs et niveaux de responsabilité : il ne faut pas surinformer, cela peut donner l’impression qu’on ne prend pas en charge leur problème à eux, cela peut donner lieu à des discussions sans fin sur des aspects qui ne les touchent pas personnellement, par contre il faut éviter toutes les perceptions négatives d’une attitude vague vis-à-vis des questions qui les concernent directement, car l’incertitude augmente l’anxiété, donc la résistance au changement. La communication doit alors surveiller et faire évoluer l’image que les personnes ont du changement proposé. Il est recommandé que l’évaluation de l’évolution de l’attitude des acteurs, vis à vis du projet de changement, fasse l’objet de sondages d’opinion.
En fin de projet, les messages doivent être plus larges, plus percutants et moins nombreux. Les processus de conduite du changement ont à leur disposition différents outils de communication (documentation, affiches, dépliants et plaquettes, sites Web et forums, conférences et réunions), mobilisés en fonction du caractère plus ou moins collectif de la cible et de l’interactivité souhaitée.
La formation
Une bonne formation doit se dérouler une fois que les participants connaissent le projet de changement, comprennent leur rôle futur, l’organisation cible … ce que la communication doit diffuser largement avec les messages nécessaires. La formation est un des principaux leviers mobilisé dans les projets de changement car il faut dispenser aux acteurs par exemple le savoir et les connaissances indispensables à la réalisation des nouvelles tâches qui leur seront confiées, leur expliquer leur place dans la nouvelle organisation … La formation représente un budget important dans un projet de conduite du changement, beaucoup plus lourd que celui de la communication, compte tenu du nombre de personnes concernées.
Il convient, en début de formation, de rappeler les objectifs du projet de changement, le situer dans le contexte d’adaptation de l’entreprise à son environnement. Les collaborateurs doivent être capables de rattacher la nouvelle organisation, les nouveaux processus, … à la réalité de leur quotidien, il faut être concret pour surmonter leurs réticences.
L’accompagnement individuel (coaching)
L’accompagnement individuel a pour objectif de permettre aux managers de mieux comprendre les mécanismes par lesquels ils mènent leur action de changement : raisons qui ont conduit à la décision du changement, modalités de réalisation du changement, l’exploitation et le suivi du changement, le plan d’actions.
Les Directions des Ressources Humaines doivent renforcer les nouveaux comportements en mettant en évidence les résultats positifs obtenus, en valorisant les individus qui ont une attitude proactive, en leur exprimant de la reconnaissance sous une forme ou une autre. La pérennisation du changement repose pour beaucoup sur un accompagnement et un suivi du changement réussis.